Alzheimer : oublie-nous !
La maladie d’Alzheimer fait patiner la médecine. On arrive aujourd’hui à la détecter une dizaine d’années avant son développement, mais on ne peut pas encore la guérir. Quand pourra-t-on enfin s’en débarrasser ? J’ai posé la question à une intelligence artificielle et à un neurologue spécialiste de la maladie.

Alzheimer progresse vite, très vite. En 2050, le nombre de malades pourrait tripler par rapport à 2019, passant de 57 à 153 millions. Dans le même temps, les scientifiques du monde entier cherchent à détecter la maladie plus tôt pour mieux la prendre en charge. Pour savoir qui des scientifiques ou de la maladie progressera le plus vite, j’ai demandé à ChatGPT une “date précise à laquelle Alzheimer sera éradiquée”. L’IA utilise une base de données très large, ce qui lui permet d’obtenir une vue d’ensemble sur un sujet et potentiellement d’anticiper des événements futurs.
Comme souvent, le logiciel d’Open AI est plutôt optimiste : “Compte tenu des avancées actuelles de la recherche et les prévisions les plus optimistes des experts, on peut faire une projection réaliste mais hypothétique au 12 septembre 2051.” Je lui ai évidemment demandé d’étayer son propos avec différentes pistes de traitements qui lui semblent prometteuses. J’en ai sélectionné quelques-unes, qui me semblaient ambitieuses mais envisageables, pour les confronter à l’analyse plus terre à terre du neurologue Bruno Dubois. Ce dernier a notamment créé le centre de recherche clinique sur la maladie d’Alzheimer et les maladies neuro-dégénératives (CERMAD) de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris.
Selon ChatGPT, “les progrès actuels dans les traitements (comme les anticorps anti- amyloïdes) suggèrent que d’ici 20 à 30 ans, on pourrait disposer de traitements capables non seulement de ralentir, mais peut-être de stopper ou prévenir efficacement la maladie.” Qu’en pensez-vous ?
Bruno Dubois. Pour la maladie d’Alzheimer, on distingue trois statuts différents. Le statut A correspond aux personnes qui n’ont pas de lésions cérébrales, ni de symptômes. Le statut B concerne les personnes qui ont des lésions au cerveau, mais pas de symptômes. On peut déterminer ce statut 10 à 15 ans avant que la maladie ne se développe. Enfin, les personnes qui ont des lésions cérébrales ainsi que des symptômes ont atteint le statut C : elles sont malades. Aujourd’hui, on traite les patients dès le statut B, avec des anticorps anti-amyloïdes qui servent à retarder l’apparition des symptômes. Et donc de la maladie. Par contre, est-ce qu’on pourra stopper les lésions ? Non. C’est un peu comme si vous me disiez : peut-on arrêter la mort ? C’est absurde.
ChatGPT a justement imaginé “un vaccin à base d’ARN messager, inspiré des vaccins COVID, qui permettrait d’entraîner le système immunitaire à éliminer les protéines toxiques responsables d’Alzheimer”. Cela permettrait, non pas de stopper les lésions, mais de les prévenir.
J’ai envie de dire pourquoi pas. On peut imaginer un vaccin qui permette de prévenir les risques dès le statut A. Aujourd’hui, on est loin de cette réalité, mais on peut l’imaginer.
L’IA pense que “dès les années 2040, une simple goutte de salive ou une analyse rétinienne pourra détecter les premiers signes biochimiques de la maladie… 30 ans avant les premiers symptômes”, ça vous semble réaliste ?
Aujourd’hui, on arrive à le faire 10 à 15 ans avant l’apparition des premiers symptômes, pas 30. Certains de mes collègues disent qu’un jour, on pourra vivre 1000 ans. Tout peut se dire, mais tout ne peut pas s’entendre. Ça me paraît démesuré, ça ne correspond pas à la réalité des choses. Pour ce qui est de la technique, on a démontré qu’on pouvait trouver des lésions cérébrales à partir d’une goutte de sang, donc pourquoi pas avec une goutte de salive. Par contre, je ne crois pas vraiment à l’analyse rétinienne.
Pour repérer la maladie encore plus tôt, ChatGPT évoque des “diagnostics ultra- précoces par l’IA”. Vous y croyez ?
ChatGPT n’a pas tort, l’IA va nous aider. J’ai démontré le fait qu’avoir des lésions cérébrales ne suffit pas pour déterminer formellement qu’une personne atteindra le statut C. Mon hypothèse consiste donc à dire que d’autres facteurs interviennent et l’intelligence artificielle va essayer de nous aider à les déterminer.
Propos recueillis par Tom Chabeau