La famille, merci pour les traumas !
Et si certaines de nos souffrances ne nous appartenaient pas ? Nous portons les blessures de nos ancêtres dans notre inconscient. Pour s’en libérer, certains entament une thérapie pour briser le cycle de souffrance.

individu par l’histoire de sa famille sur plusieurs générations. Image générée par ChatGPT
Pendant longtemps, Daphné, 26 ans, était convaincue qu’elle ne voulait pas d’enfants. « J’ai peur de leur transmettre mes traumatismes, explique-t-elle. Maintenant que ça va mieux, je me dis qu’il est finalement possible de briser ces schémas de souffrance. »
La jeune créatrice de contenus a commencé à se libérer du poids de certains traumatismes qu’elle aurait hérités de ses ancêtres. En témoignant sur son abus sexuel, Daphné découvre que plusieurs femmes de sa famille ont vécu la même chose. En choisissant de briser le silence, elle a libéré la parole de ses aïeules et peut-être mis fin à un silence douloureux qui traînait depuis plusieurs générations.
Des psychothérapeutes se sont spécialisés dans la guérison de ces « traumas invisibles » comme Helen Lippel, formée en psychogénéalogie. Au quotidien, elle aide des personnes comme Daphné à lire leur arbre généalogique « et sortir les fantômes du passé ». Le but : identifier la cause d’un mal-être et s’en libérer pour ne plus les transmettre.
Des souffrances intergénérationnelles
La psychogénéalogie est une approche thérapeutique qui consiste à expliquer les difficultés personnelles d’un individu par l’histoire de sa famille sur plusieurs générations. « C’est faire le tri entre ce qui nous appartient… et ce qu’on nous a confié sans le vouloir, explique Helen Lippel. C’est très courant : on sait qu’il y a un problème, mais on ne sait pas d’où il vient. On va alors identifier des secrets de famille, trouver ces ancêtres morts jeunes, oubliés, exclus. »
Cette discipline parfois contestée se défend en s’appuyant sur la science de l’épigénétique, qui identifie les marques que peuvent laisser certains événements marquants sur les gènes, sans modifier l’ADN. Des études ont montré ce phénomène notamment chez des descendants de survivants de l’Holocauste. Bien que prometteuse, l’épigénétique reste une science émergente, encore en pleine exploration par les chercheurs.
Daphné explique par exemple sa claustrophobie par le fait que beaucoup d’hommes de son arbre généalogique ont été prisonniers de guerre. « J’ai des flashs où je me vois emprisonnée, coincée entre quatre murs. » Helen Lippel rassure : « C’est surmontable. La thérapie permet de faire la part des choses, de dissocier son identité des maillages familiaux, et de choisir sa trajectoire. Ça peut suffire pour prévenir la transmission inconsciente à une future descendance. »
Une génération qui veut se libérer
Ces voix incarnent une génération en quête de sens, qui n’a plus peur de mettre des mots sur l’indicible. « On est ceux qui brisent le cycle », affirme Daphné. Helen Lippel le confirme : « Je vois une génération qui porte en elle beaucoup de souffrances et ne veut plus se taire. Des jeunes ultra sensibles, qui absorbent tous les non-dits, mais qui ont le courage de chercher, de guérir, de transformer. »
Ces jeunes veulent guérir pour eux, mais aussi pour les générations futures. Guérir, c’est avant tout mettre fin à la chaîne de transmission des traumatismes, et laisser un héritage plus positif à ses descendants.
Daphné, elle, construit sa « vie de rêve » en s’inscrivant dans la lignée de femmes qui l’ont précédée. « Je pense que j’ai aussi hérité de leur résilience. La plupart étaient veuves, et elles ont dû se débrouiller pour survivre. Aujourd’hui, j’essaye de m’accorder le mérite de pouvoir profiter de ma vie sans être en mode survie. »
Myriam Cherifi