L’imprimante 3D sort de son coma

Annoncée comme la prochaine révolution technologique dans les années 2010, l’imprimante 3D devait bouleverser notre quotidien. Mais la hype est vite retombée, entre complexité technique et promesses non tenues. Aujourd’hui, elle pourrait bien reprendre vie, sans bruit mais plus crédible que jamais. 

Désormais plus accessibles et précises, les imprimantes 3D investissent à nouveau ateliers, écoles et salons. © Willem Foloppe

« Une invention révolutionnaire qui permet de concrétiser toutes les idées », écrivait Ouest-France. « Une machine qui va changer le monde », titrait La Tribune. Dans les années 2010, l’engouement autour de l’imprimante 3D est immense. Présente dans l’industrie depuis les années 90, cette machine s’apprêtait à transformer nos salons en micro-usines. Décos personnalisées, pièces de voiture, repas imprimés… 

Les promesses sont énormes. L’impression 3D est présentée comme une alternative aux géants de la vente en ligne et du bricolage. Fini d’attendre sa livraison Amazon ou de chercher une pièce introuvable chez Leroy Merlin : le futur s’imprimera désormais à domicile.

« Sur le papier, ça faisait rêver » 

En 2014, Samy a 24 ans, il est étudiant et a des idées plein la tête. « La hype autour des imprimantes 3D était énorme », se rappelle celui qui est dorénavant chef de projet dans l’agroalimentaire. « Je voulais vite prendre le tournant car j’étais persuadé que ça allait m’ouvrir plein d’opportunités. Sur le papier, ça faisait rêver », confie-t-il. Sur un coup de tête, il dépense 2 500 euros – toutes ses économies – pour une machine dernier cri. Très vite, Samy déchante : « Lorsque j’ai ouvert le logiciel pour lancer ma première impression, j’ai pété un câble. Je n’y comprenais rien ! » À l’époque, l’étudiant aime l’électronique mais est « loin d’être un nerd ». Il découvre qu’avant d’imprimer quoi que ce soit, il faut apprendre à modéliser numériquement son objet, régler l’imprimante, choisir les bons filaments… Bref, tout un monde qu’il ne maîtrise pas.

Après cinq mois de visionnage acharné de tutos YouTube, Samy lance enfin sa première impression : un verre personnalisé. Cinq heures plus tard, c’est un échec : « L’impression s’était décalée. Les fils faisaient des gros pâtés. C’était poubelle direct. » Impressions interminables, bugs fréquents, consommation d’énergie élevée… Autant de facteurs qui ont poussé Samy à ranger son imprimante dans le grenier. « Je me suis rendu compte que ça ne me servait à rien », avoue-t-il avec dépit. 

Si l’imprimante de Samy prend la poussière, il y a un lieu où elles tournent à plein régime. Direction le 2e arrondissement de Paris, chez LetMeKnow, l’un des pionniers de l’impression 3D dans la capitale. Véritable caverne d’Ali Baba pour les férus d’électronique, la boutique accueille aussi bien des professionnels que des particuliers en quête de matériel ou de pièces à imprimer sur place. « Elles tournent 24h/24 », lance fièrement Thomas Mesnil, 47 ans, en désignant deux machines bourdonnantes à l’entrée du magasin. 

Le responsable logistique au sein de la boutique assure n’avoir jamais eu l’impression d’être au creux de la vague. Ici défilent les fidèles de la première heure, les bricoleurs du dimanche et les étudiants en design. « Parfois, on a même du mal à suivre sur les stocks de filaments ! », se réjouit-il. Thomas se souvient bien de l’emballement des années 2010. À ses yeux, on a survendu le produit : « On mentait un peu sur la marchandise en promettant une révolution immédiate et grand public. Nous, on savait que ça mettrait du temps. » Aujourd’hui, la donne a changé. « On touche enfin du doigt ce fantasme de pouvoir tout matérialiser », affirme-t-il. 

Les bureaux de la Nouvelle École servent aussi bien de lieu d’impression pour les apprenants que de studio de tournage. Leur chaîne Youtube cumule plus de 60 000 abonnés. © Willem Foloppe

Enfin prête pour le grand public ?

Et cette fois, la promesse semble tenir la route. Dans la boutique, tout ou presque peut s’imprimer : roulements à billes métalliques, poignée de porte en bois, ou encore tête de T-Rex fluo aux détails saisissants. Des possibilités qui n’auraient pas été imaginables cinq ans plus tôt. Il faut dire que les limites d’hier ont presque disparu. Comptez environ 600 euros pour une imprimante performante – contre 1 500 à 3 000 euros il y a dix ans. Les logiciels sont devenus bien plus intuitifs et les machines de dernière génération sont dotées d’une marge d’erreur quasi nulle. 

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À quelques rues de la boutique, l’impression 3D continue de faire rêver, mais cette fois en version pédagogique. À La Nouvelle École, un centre de formation situé dans le 10e arrondissement, des intervenants initient aux rudiments de l’impression 3D. Théo Berguglian, formateur depuis trois ans, voit défiler un public toujours plus éclectique. « On forme aussi bien le simple curieux à l’ingénieur d’Alpine, en passant par des retraités qui veulent se lancer dans un nouveau projet. Tout le monde est piqué par le virus », raconte-t-il avec enthousiasme. « Notre promesse, c’est d’apprendre à tout le monde à numériser et imprimer ses propres objets en 8 à 16 heures. »

Et cet engouement pourrait bien redoubler. Pour Théo, l’arrivée de l’intelligence artificielle pourrait faire basculer l’impression 3D dans une nouvelle ère. « La modélisation freine souvent les débutants. Mais avec l’IA, un nouveau champ des possibles s’ouvre. » Sera-t-il bientôt possible de générer des modèles à partir d’une simple photo ou d’une idée décrite à l’oral ? « Pourquoi pas, mais on en est encore loin », tempère le formateur. Pas de triomphalisme, donc. Juste un constat. Après un faux départ dans les années 2010, l’imprimante 3D semble prête à reprendre son envol.

Willem Foloppe

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