On ne naît pas mère, on le prévoit
En 2045, la natalité aura probablement continué sa baisse drastique en France. Cette année-là, Magda est enceinte depuis peu. Elle a 45 ans. J’ai décrit cette future mère à ChatGPT : son caractère, ses rêves, son travail, sa famille… Puis je l’ai interviewée via l’interface conversationnelle de l’intelligence artificielle. Comment a-t-elle décidé d’avoir cet enfant ? Comment cela s’est-il passé ? Un échange halluciné.

Magda sort de la ligne 18 du Grand Paris express et remonte, escalator après escalator, à la surface. Ses nausées matinales sont intenses depuis une semaine. Elle traverse les rues de Massy, grimpe péniblement les cinq étages jusqu’à son 35 m2. « Quelle idée de faire un gosse à 45 ans… », grimace-t-elle en s’affalant dans le canapé.
Un choix à contre-courant
Après sa reconversion professionnelle, cette chief happiness officer (CHO) a décidé d’avoir un enfant. « J’y ai pensé pendant des années : enfant, pas enfant ? Finalement, j’ai fait en sorte de ne pas être enceinte pendant l’été, ça aurait été infernal… La plupart de mes collègues n’en veulent pas, ou bien repoussent ça comme une échéance fiscale. » Entre 2010 et 2022, le pourcentage de femmes ne souhaitant pas d’enfant est passé de 4,3 % à 13 % selon des études de l’Ined, l’Inserm et de l’Ifop. Si cette tendance se poursuit, ce chiffre pourrait doubler, voire tripler en 2045. Entre une femme sur quatre et une femme sur trois pourrait ne pas vouloir d’enfant.

Même si elles restent rares à faire ce choix, certaines femmes décident d’opter pour une ligature des trompes : la méthode la plus courante de stérilisation féminine. En 2019, on estimait que 2,9 % des Françaises en âge de procréer avaient déjà eu recours à un mode de contraception définitive. Au cours des années 2010, cette pratique a été divisée par deux. A contrario, la vasectomie – méthode de stérilisation des hommes – a le vent en poupe. « Beaucoup de mes amis ont décidé de faire une vasectomie après avoir congelé leur sperme, la pratique s’est vraiment démocratisée dans les années 2030 », témoigne Magda.
En 2022, il y avait eu pour la première fois davantage de stérilisations masculines que féminines en France, avec trois vasectomies pour deux ligatures des trompes. Car entre 2010 et 2022, en seulement douze ans, le nombre de vasectomies a été multiplié par quinze, passant de 1 940 interventions à 30 288. Reste que cette méthode demeurait au mitan des années 2020 largement minoritaire et ne concernait que 0,15 % des Français en âge de procréer (chiffres de 2024).
Dans le petit salon, aucune photographie de couple. Encore moins de mariage. « Le père, c’est mon colocataire, sourit Magda. On vit ensemble depuis trois ans. On n’a pas pris cette décision en se regardant au-dessus d’un plat de pâtes ! » Alexandre voulait un enfant depuis longtemps, mais a rencontré des problèmes de fertilité, comme un nombre croissant d’hommes de sa génération. Il avait réalisé des tests dans sa vingtaine raconte Magda, « le verdict, c’était une fertilité très basse, pas zéro, mais pas loin ».
Bienvenue à Gattaca
La baisse de la natalité en France est une tendance longue. En 2024, le nombre de naissances connaissait déjà son niveau le plus bas depuis 1946 avec 663 000 naissances, soit 21,5 % de moins qu’en 2010. En prolongeant la tendance observée entre 2010 et 2024, on pourrait estimer une baisse supplémentaire de 20 à 25 % sur vingt ans. En 2045, la population française aurait entamé un lent déclin numéraire. Selon les projections établies par l’Insee en 2022, la France atteindra un pic d’environ 70 millions d’habitants vers 2040 pour revenir à environ 68 millions en 2070.

Face au déclin de la natalité en France, Emmanuel Macron avait annoncé en janvier 2024 un martial « réarmement démographique », ciblant l’infertilité. Elle semble alarmante chez les hommes. En 2022, une méta-analyse menée par des épidémiologistes estimait que la concentration moyenne de spermatozoïdes chez les hommes était passée de 101 millions par millilitre en 1973 à 49 millions par millilitre en 2018. Une baisse de plus de 50 % en moins de cinquante ans. Qu’imaginer si cette tendance se poursuit ? La concentration moyenne de spermatozoïdes se situerait autour de 25-30 millions par millilitres en 2045, un niveau considéré comme critique pour la fertilité naturelle. Seuls certains facteurs sont connus : la génétique, l’environnement (exposition à des pesticides, métaux lourds, perturbateurs endocriniens), le mode de vie (tabagisme, consommation d’alcool et de drogues, stress chronique).
« On a fait des tests, des bilans… Finalement, on est partis sur une FIV [fécondation in vitro], avec mes ovocytes congelés et son sperme. » À 25 ans, Magda avait fait congeler ses ovocytes – les cellules reproductrices chez les femmes –, « dans un éclair de prévoyance ». La médicalisation de la procréation s’est poursuivie, entre celles et ceux qui se font opérer pour ne pas avoir d’enfants et celles et ceux qui s’entourent d’une batterie d’enfants pour en avoir un.
Il y a quelques mois, Magda a fait un diagnostic préimplantatoire. Elle est atteinte d’une neurofibromatose de type 1, une maladie génétique fréquente qui se manifeste principalement par des taches café au lait sur la peau et des tumeurs bénignes – des symptômes dont la gravité varie beaucoup d’une personne à l’autre. « J’ai voulu intégrer cette donnée dans mon projet de maternité », confie-t-elle.
La future mère a eu recours aux services du laboratoire Gattaca. « Après la fécondation in vitro, le labo nous a contactés pour nous annoncer que sur les six embryons viables, deux étaient porteurs du gène muté, celui qui est responsable de la neurofibromatose. Et j’ai choisi de les écarter. » Magda est allée plus loin. « J’ai fait faire un dépistage des risques génétiques de cancer, diabète et troubles psychiatriques, je voulais mettre toutes les chances de mon côté pour que mon enfant vive longtemps et en bonne santé », confie-t-elle. La loi de bioéthique interdit encore de sélectionner des caractéristiques non-médicales, comme le sexe du bébé ou la couleur des yeux. « On ne peut pas tout prévoir, il faut garder une part de mystère ! »
Adèle Lebrun